Perquisition
Quelques jours plus tard, le mari de Jeanne, Joseph, était de retour à la maison :
« Je n’ai pas pensé à le mettre au courant de cela. Ce n’est que le 17 septembre que je lui ai dit : « Tu sais, Hippolyte m’a apporté la bibliothèque de Thorez, elle a une grande valeur, il avait peur des bombardements ». Mon mari m’a demandé où j’avais rangé les livres. Je lui ai fait voir les armoires, qu’il a regardées, mais il ne m’a rien dit. »
Le 26 septembre 1939, le Parti communiste français fut dissous par décret. Dès le lendemain, Marion, nouveau préfet de l’Aveyron, ordonnait une perquisition au domicile des Septfonds. Par quel truchement ce dernier avait-il été informé de la cachette de la bibliothèque ? Toujours est-il que le 4 octobre, peu avant 18 heures, Adrien Rollet, commissaire spécial de police du département de l’Aveyron, et Jean-Marie Vergnes, inspecteur principal de police spéciale, se présentèrent au domicile des Septfonds, accompagnés de deux gendarmes de la brigade de Rodez.
En l’absence des parents, c’est le jeune Marcel Septfonds, 12 ans, qui ouvrit la porte du logis familial aux arrivants. Le logement qu’occupent les époux Septfonds, dans l’enceinte de la tannerie où travaille Joseph, se compose de deux pièces au rez-de-chaussée, de trois chambres au premier étage, ainsi que d’un grenier et de deux caves. Sans tarder, les fonctionnaires de police procédèrent à la perquisition, en présence de deux conseillers municipaux du village – l’un de ces deux conseillers étant part ailleurs le propriétaire de la tannerie lui-même. Vers 18h10, Jeanne Septfonds était de retour à son domicile, et ce fut en sa présence que put se poursuivre la perquisition.
Au cours de l’opération, les fonctionnaires découvrirent un nombre important de livres, parmi lesquels ils s’attachèrent à saisir ceux ayant trait au communisme, laissant de côté tous les ouvrages d’histoire, de littérature, de géologie, ainsi que les volumes d’encyclopédie.
L’ensemble des ouvrages saisis furent déposés dans deux caisses clouées en bois portant les numéros de scellés 1 et 2. Par ailleurs, sous un troisième scellé furent placés trois autres documents : deux cahiers manuscrits, ainsi qu’une brochure intitulée La voix du peuple au Parlement - Les deux sénateurs et les soixante-douze députés communistes.
À l’issue de la perquisition, Jeanne Septfonds fit la déclaration qui fut jointe au procès-verbal, et les ouvrages saisis furent transportés au greffe du tribunal de première instance de Rodez. Le 14 octobre, les 646 livres saisis étaient remis au cabinet du préfet de l’Aveyron, qui en transmit l’inventaire abrégé, par courrier, au Ministre de l’Intérieur. Par retour de courrier, ce dernier fit remarquer « qu’il convient, d’accord avec les autorités judiciaires compétentes, de prendre toutes mesures conservatoires utiles pour placer en lieu sûr cette bibliothèque ».