Livres libres
La ville de Rodez et sa région furent libérées le 18 août 1944. Peu après, Jeanne et Joseph Septfonds étaient avisés de la levée du séquestre et de la remise à leur libre disposition des livres saisis. Le séquestre prit officiellement fin le 28 septembre, deux mois avant que Maurice Thorez ne rentre d’URSS en France libérée.
Quand, et selon quelles modalités la bibliothèque regagna-t-elle la région parisienne après la Libération ? Cela reste inconnu, mais il convient de signaler que le regroupement des livres, auquel œuvra notamment André Quintillac, secrétaire fédéral du Parti communiste de l’Aveyron, fut quasiment mené à terme, à l’exception notable des trois ouvrages saisis par le délégué du Service des sociétés secrètes, en 1942.
Par ailleurs, c’est peut-être dans ces années d’immédiat après-guerre, au gré des "prises de guerre" et de l’épuration, que Maurice Thorez entra en possession d’un certain nombre d’ouvrages ayant appartenu à Charles Lesca. Charles Lesca était un riche héritier d’origine argentine, profondément antisémite et antirépublicain, devenu l’un des principaux actionnaires du journal Je suis partout, à la faveur de la vente du quotidien par la librairie Fayard, en 1936. Il devint l’administrateur du journal puis, en 1943, son directeur. À la Libération, Charles Lesca s’exila en Amérique du Sud.
La bibliothèque de Thorez compte aujourd’hui quatre volumes dédicacés en leur temps à Charles Lesca par des auteurs collaborationnistes : Charles Maurras, Buenaventura Carrera, le général Paul Azan… et Bernard Faÿ, ancien directeur du Service des sociétés secrètes, service commanditaire de la saisie des trois livres non restitués à Thorez à la Libération. Ce surprenant reclassement en retour de balancier clôt de façon presque allégorique la trouble période de l’Occupation.
La section communiste de Saint-Denis, quant à elle, eut à cœur, après la guerre, de remplacer la dédicace arrachée par la police de Vichy, en 1941.